Liaison

at CEAAC, Strasbourg

2019

 

Lisa Biedlingmaier a développé l’œuvre Body Building lors de sa résidence à Strasbourg en 2018. Incluant la collaboration avec d’autres artistes, interprètes ou personnes issues de différents domaines d’activités, cette nouvelle approche tend à intensifier le «rayon» de recherche de la réflexion sur l’existence humaine et sa complexité à l’aide du dialogue.

À l’occasion de son exposition à l’Espace International du CEAAC, Lisa Biedlingmaier a choisi d’inviter l’artiste Ulrika Jäger.

Saisir et comprendre sont deux clefs de la démarche des deux artistes. Tandis que Lisa Biedlingmaier entrelace un récit nœud aprés nœud et corde aprés corde, l’arrangement et la composition d’objets d’Ulrika Jäger font apparaître des arcs de tension dans l’espace. L’homme et son expérience sont alors essentiels pour les deux, par leur capacité à charger les choses de sens. Mais n’en résulte-t-il pas une observation unilatérale ?

Nous concevons, créons et produisons des choses de notre propre chef. Mais elles ont également la capacité de se mettre en travers de notre chemin ou de déclencher des pensées et des émotions en nous. Les choses peuvent prétendre à notre durée de vie et nous conduire à la dépendance. Elles nous font les aimer et les désirer. Elles se sont inscrites dans notre mémoire corporelle par leur surface et leur matérialité, faisant appel à notre sens du toucher. Elles peuvent faire partie de nous et nous relier au monde. Ainsi, même si Ulrika Jäger montre des objets de maniére superficielle, les questions se déploient bien au-delà, et de manière sensible, à travers les interrelations avec l’autre.

Nous croyons qu’en nous concentrant, nous pouvons provoquer une activation des choses. Comme équipés d’un projecteur, nous nous déplaçons dans le monde et en illuminons des fragments.

Mais nous savons aussi, par l’anthropologie phénoménologique, que «les gens sont toujours en «dialogue» avec le monde, bien avant de prendre conscience d’eux-mêmes en tant que personnes»1. Nos réflexions et intuitions conscientes sont précédées de perceptions et d’expériences physiques inconscientes. Que se passe-t-il si les choses ont déjà un effet sur nous avant que nous n’y ayons prêté attention? Et que se passe-t-il si nous ne les regardons même pas ou si nous tournons même le dos aux objets ?

Les deux artistes poursuivent ces questions en apportant de la lumiére dans ce «jeu». Mettre en lumiére et passer au crible peut permettre de révéler, pénétrer ou même recharger des choses. Mais cela dirige aussi notre regard et génére des ombres. Ainsi naissent les mythes et les idées.

 

1 Thomas Fuchs, Leib, Raum, Person – Entwurf einer phänomenologischen Anthropologie.

Klett-Cotta Verlag, Stuttgart, 2000